Le gouvernement est fortement conscient, aujourd’hui, de l’importance d’anticiper la sortie de crise sanitaire par le biais d’un plan de relance ambitieux. Ce dernier constituera un levier important permettant à la fois d’accélérer le redémarrage de l’activité économique nationale et de renforcer sa capacité de projection dans le monde post-crise Covid-19 qui se profile à l’horizon.
Evidemment, les appels au changement sont légitimes. L’épidémie du coronavirus a généré des défis pour le développement socio-économique du pays, et il s’agit pour les pouvoirs publics de limiter son impact afin que l’économie nationale reste résiliente et fait part d’une forte vitalité pour résister à l’épidémie.
Des concertations avec les organisations patronales, les acteurs économiques et la société civile ont porté sur les modalités de mobilisation et de gestion de la sphère économique face à cette conjoncture exceptionnelle que travers le pays, afin de sauvegarder l’emploi et préparer la reprise de la croissance.
Cette crise, que nous vivons après un arrêt brutal inédit des économies de la quasi-totalité des pays et une paralysie totale de plusieurs secteurs locomotives, se traduit par l’adoption des mêmes outils de relance face à l’effondrement de l’offre et de la demande en même temps.
Le plan de relance qui sera élaboré est appelé à transgresser les modèles prescriptifs d’avant Covid 19. Ce virus nous a fait peur certes, mais cette peur n’est-elle pas le meilleur chemin vers le courage ? Tout d’abord, d’un point de vue économique, le bilan de la pandémie du covid-19 est aussi alarmant que le bilan sanitaire. Partout dans le monde et en Tunisie également, des entreprises sont en arrêt d’activité, des employés mis au chômage temporaire ou définitif et des marchés réels et financiers perturbés (gonflement de stocks d’invendus, effondrement des prix du pétrole, incertitudes sur le marché boursier, tensions sur le marché bancaire…).
Le bilan social est aussi drastique. La Banque mondiale a averti que la pandémie du Covid-19 pourrait plonger entre 40 et 60 millions de personnes dans l’extrême pauvreté cette année, l’Afrique subsaharienne étant la plus durement touchée, suivie de l’Asie du Sud, tandis que l’Organisation internationale du travail prévoit l’équivalent de 195 millions d’emplois perdus.
Au niveau national, passé l’étape du bilan à chaud et des mesures d’urgence, plusieurs pays sont en train de diagnostiquer les impacts plus profonds de la crise liée au Covid-19 et d’élaborer en conséquence leurs plans de relance économique. Une autre orientation s’est fixée, c’est de profiter de la crise pour résoudre certaines problématiques structurelles, mises au grand jour par cette même crise.
La Tunisie se prépare au monde post-Covid-19, en impulsant les investissements nationaux dans les nouveaux secteurs stratégiques, et en s’adaptant à la nouvelle reconfiguration des chaînes de valeur mondiales. L’objectif étant aussi de préserver le pouvoir d’achat des citoyens et d’appuyer la résilience de notre tissu d’entreprises et d’éviter qu’il sombre dans une spirale de faillite en cascade.
Effets en cascade
L’impact de cette pandémie à l’échelle mondiale, régionale et nationale demeure très difficile à cerner, mais apparaîtra probablement à tous les niveaux et notamment sur les plans économique, financier et social. Quant à la reprise économique, elle nécessitera partout beaucoup de temps et ne pourra être que progressive.
Tous les économistes, spécialistes et analystes s’accordent à dire que les effets du Covid-19 seront particulièrement profonds, douloureux, durables et en cascades. Ils conviennent que ces répercussions se traduiront in fine par une grande récession économique. Les premières prémices de celle-ci apparaissent déjà au niveau du secteur secondaire et du secteur tertiaire, y compris les professions libérales. Elles retentissent autant sur le secteur officiel que sur le secteur informel et la perte de confiance a sérieusement gagné les marchés de capitaux et de valeurs mobilières.
Aux grands maux les grands remèdes. La guerre au Covid-19 requerra donc, et pendant une longue période, une « économie de guerre ».
A l’échelle nationale, le chef du gouvernement a fixé sept objectifs pour le plan de relance économique qu’il a annoncé au mois de mai dernier, à savoir :
– le renforcement de la souveraineté nationale et de la sécurité
– la préservation du tissu économique et les PME
– la relance des secteurs les plus touchés par la pandémie
– réduire la bureaucratie et digitaliser l’administration
– préserver l’emploi et lutter contre l’emploi précaire
– résoudre les problèmes en suspens ayant empêché la réalisation de grands projets et activer la reprise du bassin minier et des champs pétroliers
– lutter contre la corruption et rompre avec l’impunité.
Recommandations
Bien avant sa présentation par le chef du gouvernement demain à l’ARP, faut-il rappeler que huit commissions techniques ont été constituées pour préparer ce plan. Les membres de ces commissions ont recommandé, récemment lors d’une réunion tenue à l’ENA, d’accélérer le paiement des dettes de l’Etat et des entreprises publiques auprès des sociétés d’approvisionnement et des entrepreneurs, d’organiser le travail à distance, d’encourager le travail à mi-temps et de créer un portail dédié à la carte d’identité nationale et au passeport.
«Ce plan devrait permettre d’accompagner les secteurs et les entreprises dans la reprise de leurs activités et de se préparer pour le prochain plan quinquennal de développement, selon les priorités convenues dans le document contractuel du gouvernement».
Il est à noter que les travaux des commissions ont été focalisés sur la souveraineté nationale et le renforcement de la sécurité, la préservation des postes d’emploi, la relance par secteur, l’employabilité de la main-d’œuvre, l’adaptation aux exigences de l’étape post-Covid-19, ainsi que la mobilisation des ressources de financement et la garantie de l’efficacité des dépenses publiques.
Les commissions se sont penchées en outre sur la question de la réduction des procédures administratives et la numérisation de la plupart d’entre elles, la concrétisation de la stratégie nationale de lutte contre la corruption, le monopole et la contrebande, et la réalisation des projets d’infrastructure bloqués, ainsi que l’adoption d’une solution radicale pour le problème du bassin minier de Gafsa et de l’énergie.
Parmi les recommandations avancées concernant les PME et les TPE, figurent la préservation des postes d’emplois, la relance de l’économie à travers la facilitation des conditions et des procédures d’obtention des avantages financiers, le développement de la gouvernance des structures d’investissement et d’exportation à l’intérieur et à l’extérieur du pays.
Il a, également, été recommandé de soutenir les artisans, les petits métiers et les jeunes promoteurs dans la reprise de leurs activités après le Covid-19.
De même, il a été proposé de parachever les procédures de la création d’un fonds d’assurance contre la perte des postes d’emplois dans un délai ne dépassant pas neuf mois, outre la mise en place d’une plateforme numérique commune pour tous les programmes et initiatives privées spécifiques à la formation et à l’accompagnement de tous les ministères et les intervenants.
Les membres des commissions ont recommandé d’orienter la subvention aux ayants-droit et de réviser les contrats de cession afin de les améliorer conformément aux textes en vigueur, d’évaluer les actifs des établissements publics et d’adopter une nouvelle approche dans les services rendus par ces structures.
Dans le cadre de l’enseignement et du télé-travail, il a été recommandé de créer un projet modèle à distance concernant cinq ministères et de numériser le contenu des programmes pédagogiques pour tous les niveaux d’enseignement et de formation et l’intégrer dans les programmes officiels. Les recommandations des huit commissions ont porté en outre sur l’adoption rapide du nouveau code de l’aménagement du territoire, l’allégement du contrôle préalable pour l’octroi des marchés publics et le recours à la formule «projets clef en main» et la dynamisation du système national «Injez» pour suivre et évaluer les projets de développement.
Par ailleurs, il a été recommandé de garantir la couverture sanitaire intégrale à tous les citoyens, d’assurer un stock stratégique de médicaments et des équipements sanitaires et d’œuvrer à renforcer la souveraineté nationale dans le domaine économique et social.